Je n’avais pas imaginé parler de ce sujet sur le blog. D’abord parce que c’est LE sujet sensible du moment. Ensuite, parce que je n’ai plus d’ordinateur et que j’écris de mon téléphone. Mais (oui, il y a forcément un MAIS), j’avais besoin de m’exprimer. Et ce blog est mon espace de liberté. En plus, parler de ce sujet à la maison est difficile avec une enfant de 3 ans. Enfin, ce soir, il y a eu la goutte d’eau. Celle qui a fait déborder mon vase de patience.

Je suis tombée sur un article de presse. Un énième maire vient de pondre un arrêté interdisant le burkini sur les plages de sa commune. Et bien sûr j’ai lu les commentaires. Erreur de débutante. Grave erreur. Ca m’a mise en colère. J’y ai lu toutes les conneries qu’on entend depuis le début de ces « affaires ». (Heureusement, c’est bientôt la rentrée, on va reparler des cartables trop chargés et de ces salauds de profs qui gagnent trop bien leur vie à être tout le temps en vacances. Tout va donc rentrer dans l’ordre). Pourquoi ça m’agace cette « affaire du burkini »? Pour plein de raisons… (j’espère que vous avez un peu de temps devant vous)… Désolée, ça risque d’être un peu décousu, brouillon… Et je ne vais pas pouvoir me relire (pas pratique du téléphone).

D’abord, parce qu’on est dans un pays laïc. Laïc, pas athée. Nuance que beaucoup trop de personnes ne font pas. Petit rappel. En 1905, une nouvelle loi a abrogé celle de Napoléon (rémunération des prêtres, des pasteurs et des rabbins par l’Etat). L’Etat n’intervient plus dans la religion et réciproquement, le clergé n’interfère plus dans les affaires de l’Etat. Depuis 1905, dans notre pays, nous sommes libres de nos opinions et de nos croyances, nous sommes libres de nous exprimer. Liberté d’expression, de culte, d’opinions : nous avons le droit de parler en public comme en privé, de tous les sujets (et c’est ce que je fais ici, sur mon blog).

Source : www.courrier international.com
Source : http://www.courrier international.com

99 ans après cette loi, en 2004, « on » fait une distinction entre les opinions religieuses et les autres. « On » réinterprète cette loi nonagénaire et on décide qu’il faut restreindre cette liberté. « On » décrète donc que les opinions religieuses, elles, ressortent du domaine du privé, qu’on n’a plus à en parler en public, juste à son cochon d’inde, à la rigueur. En 2014, on ne peut plus entrer dans les écoles de la République avec une croix chrétienne autour du cou ou un « hijab » (foulard islamique) sur la tête : plus aucun signe religieux ostensible n’est accepté. Et c’est la fin des haricots, ma bonne dame. C’est ainsi que dans l’opinion publique, la laïcité devient de plus en plus de l’athéisme. Et c’est ainsi que douze ans plus tard, plusieurs maires ont décidé d’appliquer cette loi dite « du voile » sur la plage.

Ensuite, ce qui me fatigue, c’est que, bien que ce soient des hommes qui ont pondu ces arrêtés contrôlant la façon de s’habiller des femmes, des femmes, qui se disent féministes, les soutiennent. Or, pour moi, c’est inconcevable : on ne peut pas se dire féministe tout en soutenant une loi discriminatoire envers les femmes. Oui, c’est contradictoire (comme la loi sur le voile en fait : on exclut des filles de l’école en expliquant que c’est pour leur émancipation. Lol). Imaginons qu’on interdise les chaussettes dans les sandales (parce que c’est moche, quand même), pour l’émancipation des orteils. Franchement…

C’est fou la quantité de personnes qui se sont senties devenir féministes, tout à coup! Il fallait voler au secours de ces pauvres femmes opprimées. Ces féministes disent se battre pour l’égalité des femmes parce que ces femmes qui portent le foulard seraient aliénées. Leur ont-elles demandé si elles le portaient par choix personnel ou par obligation? Certaines de mes anciennes élèves (que j’ai retrouvées récemment sur les réseaux sociaux) ont choisi de ne pas porter le foulard alors que leur mère le porte. D’autres (je pense aux grandes sœurs de certains élèves) ont choisi de le porter, contrairement aux femmes de leurs familles. Personne n’a obligé personne. Et les hommes, dans tout ça? « Eux, ils font bien ce qu’ils veulent, ils ne portent pas le voile, ne se couvrent pas », lit-on. Alors, avant de dire n’importe quoi, il faut se renseigner un peu. Je me souviens d’un papa qui accompagnait son fils au collège, portant la barbe, un long pantalon, été comme hiver, une longue tunique (dont j’ai oublié le nom, si vous avez ça en tête, je prends. C’était pas djellaba… je ne sais plus – édit : c’est un qamis) et un petit couvre-chef (désolée, je ne suis pas très précise, j’ai oublié aussi comment ça s’appelle – édit : c’est un chechia). Il m’a expliqué que son papa était très pratiquant et que c’était une tenue traditionnelle musulmane, que lui-même porterait plus tard s’il le souhaitait. J’imagine donc que ce papa, s’il accompagne ses enfants à la plage, doit porter une tenue de bain qui couvre son corps. Mais bon, c’est un homme, on n’en fait pas tout un plat!

Je suis féministe, je suis pour la liberté de chaque femme de vivre sa vie comme elle l’entend. Et en France, c’est loin d’être gagné. Ne suis-je pas moi-même parfois opprimée? Je me suis posée la question cet été, lorsque ma fille m’a demandé ce qu’était l’objet que je tenais à la main. C’était un objet de torture : un épilateur. Elle m’a demandé à quoi cela servait. Quand je lui ai expliqué, elle m’a demandé pourquoi je m’arrachais les poils, et pas papa. Parce que la société véhicule l’image de femmes sans poils (et pour moi c’est un vrai défi). (Et aussi parce que papa a beaucoup trop de poils). La société et tous ses diktats est aussi un mode d’oppression : le maquillage, le brushing, les talons, etc. Sommes-nous toujours libres de ne pas répondre à ces injonctions?

Source : La Sauvage Jaune
Source : La Sauvage Jaune

Enfin, ces débats m’inquiètent. A travers le « débat » public sur ces femmes qui veulent juste elles aussi profiter de la plage et de la mer, accompagner leurs enfants sur le sable, c’est un racisme latent qui éclate au grand jour. Le racisme qui était caché, enfoui, ressort. On n’entend pas le Front National sur ce sujet. Il n’a pas besoin de s’exprimer. Il se frotte les mains. Tout leur travail est fait par la masse populaire. Il n’aura qu’à se pencher pour récolter les fruits. Et ça me fait peur (j’en avais déjà parlé ici, sur ce blog).

Source : Nawak Illustrations

Je ne suis pas contre le port du burkini sur les plages. Parce que je suis féministe et que je suis contre les lois (ici, plusieurs arrêtés municipaux) qui disent aux femmes comment s’habiller (on n’est plus au XIXème siècle où des hommes ont légiféré sur le port du pantalon par les femmes!). Je suis pour la liberté des femmes de se vêtir, de se dévêtir, de s’épiler ou pas, de se maquiller ou non, de choisir leur religion et la manière de la vivre. Je suis pour la laïcité, pour que chacun puisse choisir ou non une religion, un culte, un mode de vie. Je suis française et, même si je n’ai pas choisi mon pays, je l’aime, parce que je l’ai toujours vu comme un pays de libertéS, d’égalité et de fraternité. Je suis tellement triste du chemin qu’il prend.

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Désolée pour ce pavé mais il fallait que ça sorte.

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Je vous invite à lire le billet de Céline et son bric à brac, sur le choix d’une femme de porter le voile : https://bric-a-brac-en-vrac.com/2016/08/24/elle-portait-le-voile/