Ce soir, pendant que Bichette faisait une petite sieste post-baignade, je surfais sur le web pour lire les infos du jour. Et puis je suis tombée sur un article intitulé « Professeur, un métier sans évolution » par Marie-Estelle Pech.

Source : lefigaro.fr
Source : lefigaro.fr

Cet article est l’interview d’Antoine Compagnon, professeur de littérature française au Col­lège de France. Le Figaro lui demande : « Pourquoi le métier d’enseignant est-il déconsidéré en France? » Voici la réponse (en italique) que mon collègue (puisqu’il fait le même métier que moi) donne à la journaliste :

« Cette déconsidération est liée au déclassement social des professeurs, lui-même lié à la massification de l’enseignement. » Bon, à la rigueur, pourquoi pas, trop de prof tue le métier de prof. 

« Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, un professeur était un ­notable dans sa préfecture, l’instituteur était un notable au même titre que le maire ou le médecin du village. Les métiers de l’enseignement étaient des métiers de promotion sociale. » Effectivement, AVANT, JADIS, le professeur était un notable, il avait fait des études et avait un statut social élevé, comme le notaire, le médecin, etc. Le professeur détenait le SAVOIR. Aujourd’hui, on poursuit ses études après la 3ème, on va au lycée, on passe le bac, on fait des études supérieures. Mais tous les étudiants (et ils sont nombreux) ne deviennent pas enseignants. 

Bon, jusque-là, rien de très neuf dans ses propos. Attendez la suite. Mesdames, asseyez-vous, professeurs, respirez un bon coup.

« La féminisation massive de ce métier a achevé de le déclasser, c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer pour la magistrature. C’est inéluctable. Un métier ­féminin reste encore souvent un emploi d’appoint dans un couple. L’enseignement est choisi par les femmes en raison de la souplesse de l’emploi du temps et des nombreuses vacances qui leur permettent de bien s’occuper de leurs enfants. » Ça va, vous n’êtes pas tombé(s) de votre chaise? 

Monsieur Compagnon, comment vous dire les choses en restant polie? Je suis professeurE de français, comme vous mais avec des seins. Lorsque j’ai choisi de faire ce métier, j’étais lycéenne. J’ai passé avec succès un bac littéraire et me suis dirigée vers des études de Lettres Modernes alors je vais vous répondre en ma qualité de femme et de professeure.

Un métier féminin n’est pas un « emploi d’appoint ». Je ne sais pas si vous êtes au courant mais nous sommes au XXIème siècle. On ne vous a pas souhaité une « bonne année 2014 » la semaine dernière? Que dites-vous aux lycéennes à qui vous enseignez la littérature française? Que c’est bien d’étudier pour trouver un petit job mais qu’il va falloir qu’elles pensent à se trouver un bon mari qui a un vrai travail, qui rapporte l’argent du foyer, pour subvenir aux besoins de sa famille? Que les femmes sont juste des utérus bons à porter la progéniture du mâle mais incapables d’avoir un travail digne de ce nom? On n’est plus en 1950, vous le dites vous-mêmes un peu plus bas dans l’interview : « Ce qui est aberrant, c’est ce statut des enseignants qui n’a pas évolué depuis 1950 ». Hé bien on pourrait en dire autant de vous!

« L’enseignement est choisi par les femmes en raison de la souplesse de l’emploi du temps et des nombreuses vacances qui leur permettent de bien s’occuper de leurs enfants. » C’est vrai que c’est la principale motivation des jeunes filles qui s’engagent dans cette voie. A 18 ans, on cherche quel métier faire, après le bac, pour gagner un peu d’argent de poche et un bon mari qui gagnerait bien sa vie (oui, monsieur a un vrai métier, lui, il rapporte un véritable salaire, lui, pour que madame puisse nourrir toutes les petites bouches auxquelles elle aura donné vie) tout en pouvant conserver les mercredis et le vacances scolaires pour s’occuper de ses enfants. Les femmes, ces êtres calculateurs!

Monsieur, vous ne rendez pas service à vos collègues qui doivent déjà combattre bon nombre de préjugés sur ce métier. Non seulement vos propos sont honteux mais ils sont aussi misogynes.

Et pendant que vous y êtes, vous avez choisi ce métier par amour de la littérature et moi, je suis prof de français pour assouvir un penchant bien féminin, le bavardage

Je ne sais comment terminer ce billet. Je suis en colère. Les hormones, certainement, je ne suis qu’une femme, après tout. Mais je ne suis pas la seule à être remontée contre vous. Je ne sais pas si vous avez un compte facebook ou un twitter mais si tel est le cas, n’allumez pas votre ordinateur car vous allez vous rendre compte que votre pensée, d’un autre âge, est loin de faire l’unanimité. Très loin.

Source : http://mamanaufoyeah.blogspot.fr/
Source : http://mamanaufoyeah.blogspot.fr/

Je vous souhaite une bonne année 1954. Quant à moi, je vais aller préparer le dîner pour mon conjoint, qui rentre épuisé de sa dure journée de travail (heureusement, on n’est plus à la préhistoire, il n’a plus à chasser le mammouth pour entretenir sa pondeuse et feignasse de femelle).

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D’autres coups de gueule à lire :

– Un article des Inrocks : Antoine Compagnon tient des propos sexistes, une blogueuse féministe lui répond (du blog : http://cafaitgenre.org/2014/01/08/Féminisation = déclassement : Cher-M. Compagnon)

-Cocoon et moi : La féminisation déclasse les métiers : tu te foutrais pas de ma gueule ?

– Mamys : EnseignantE, je déclasse le métier……..

– Le Roy Dit Nous Voulons : Lettre ouverte à Monsieur Compagnon

– Princesse Soso : « Et aujourd’hui, A. Compagnon franchit aisément le mur du çon » (copyright mon pote Antoine) (un homme qui aime les hommes) (et le poisson pané) (coucou Lolo !) (Les titres concis c’est sooOOoo 2013)

– Hécate : Etre prof : mon parcours

– Monsieur Samovar : Antoine Compagnon, Madame Bovary et ce métier d’enseigner

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Edit du 12/01 :

A lire, la « réponse » d’Antoine Compagnon dans les Inrockshttp://www.lesinrocks.com/2014/01/12/actualite/antoine-compagnon-il-serait-preferable-davoir-aussi-affaire-des-hommes-lecole-primaire-11459211/

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