Non, ce n’est pas un poisson d’avril. Notre cher ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré dans la matinale de CNews, mardi 31 mars : « On lance l’opération ‘Vacances apprenantes’ pour que les élèves puissent travailler pendant les vacances ». (Bon, 24h plus tôt, il avait annoncé le maintient des vacances scolaires, on n’est pas à un changement de direction près).

Alors là non. Stop. On ne lance rien du tout. Et on arrête avec cette novlangue ridicule. Après la « nation apprenante », les « vacances apprenantes ». Et bientôt le « chômage travaillant », le « repos actif », la « décroissance croissante » ?

J’ai essayé de comprendre ce qui passait dans la tête de notre ministre, pour nous sucrer les fraises les vacances. Il pense qu’on se tourne les pouces ?

Déjà, avant de s’exprimer à la télévision, on fait un état des lieux. Et quand on se rapproche des familles ET des enseignants, on se rend compte que tout ne fonctionne pas aussi parfaitement que l’avait espéré le ministère : à la campagne, la connexion rame souvent. Parfois, elle est même coupée plusieurs heures ou jours, sans raison. On n’a pas tous un ordinateur par personne, parfois on a un ordinateur pour 6 ou seulement deux smartphones pour 4. On n’a pas tous pensé aux réserves d’encre d’avance pour l’imprimante et… oh, on n’a pas tous une imprimante ! On n’a pas tous de la patience, on n’est pas tous profs, on n’a pas tous choisi de faire l’instruction en famille.

Contrairement à ce que pense la porte-parole du gouvernement, les profs n’ont pas le temps d’aller ramasser les fraises, les asperges ou les poireaux. Certains, comme moi, ne comptent pas leurs heures, travaillent bien plus qu’en temps normal : il faut préparer tous les cours de façon numérique, répondre aux questions des élèves et de leurs parents, par courriel, par sms, par téléphone. Il faut écouter, rassurer. Il faut recevoir les travaux, les corriger, les renvoyer… Les profs, pour la plupart, s’organisent tant bien que mal entre télétravail et école à la maison et attendent cette pause salutaire en cochant les cases sur le calendrier.

Les élèves travaillent aussi. Pas tous, quelques uns sont injoignables, mais une majorité d’enfants travaille. Pas tous au même rythme. Et c’est aussi cela qu’il faut prendre en compte. C’est la troisième semaine d’école à la maison. Certains élèves décrochent (voire n’ont jamais accroché avec le télétravail), sont à bout de souffle, ils ont été assidus les quinze premiers jours mais la fatigue se fait sentir et ils déconnectent peu à peu. D’autres se réveillent et se mettent à travailler maintenant. Ils ont accumulé du retard et vont essayer de le rattraper, à leur rythme.

Les parents sont aussi au bout du rouleau. Je reçois des courriels de familles qui sont épuisées, certaines sont noyées sous le travail et d’autres tiennent le coup en comptant les jours jusqu’aux fameux congés scolaires (ce vendredi pour la première zone, dans une semaine pour moi, dans quinze jours pour les derniers). Des parents stressés, angoissés de ne pas réussir à faire faire tout le travail demandé à leurs enfants se mettent la pression et s’épuisent. Certains ont choisi d’étaler les apprentissages dans la semaine : moins de travail quotidien mais un peu le mercredi et les weekends. D’autres conservent le rythme des cours. Chacun fait comme il peut. Parce que certains parents télétravaillent aussi, et/ou ils ont plusieurs enfants de différents niveaux.

Alors non, des « vacances apprenantes », je refuse. Non. Ce n’est pas possible.

Je n’ai pas envie, en tant que maman, de continuer à faire bosser mes enfants pendant la période des congés de printemps. Et non, je n’ai pas non plus envie de donner du travail à mes élèves, pas plus que j’ai envie de travailler. Pendant les vacances, on se repose. On fait ce qu’on n’a pas le temps de faire le reste du temps. C’est à ça que servent les vacances.

Qu’il lance ce qu’il veut, moi je fais l’école buissonnière ! J’ai besoin d’une pause. Laissez-nous souffler. Laissez souffler les enfants.

Et puis, quoi ? Parce que notre ministre croit que quand on n’est pas à l’école on n’apprend pas ? Et « l’école de la vie », ça fait pas assez « nation apprenante » ?