Le lundi matin, je commence ma journée avec des petits sixièmes. Des têtes blondes et brunes, des petits bretons de toutes les couleurs. Généralement, je râle un peu avant d’y aller : je suis maladroite, pas à mon aise avec ces gamins.

Je crois que lundi, je serai encore moins à mon aise. Encore plus maladroite. Mais je ne vais pas râler avant d’y aller. Je vais prendre mon courage à deux mains et être là pour eux.

Je ne sais pas ce que je vais leur dire. Certainement commencer par un « bonjour, asseyez-vous! » Comme d’habitude. Ensuite, vais-je enchaîner avec mon traditionnel : « J’espère que vous avez passé un bon weekend! »?

Je crois que je vais faire au « feeling »… Comme je l’avais fait avec mes lycéens lors de la tuerie de Charlie Hebdo. Mais là ce sont des gamins. Ils étaient encore innocents hier. Je ne sais pas parler aux enfants… je me sens tellement illégitime. Je serai plus à mon aise avec mes 4èmes, les cinq heures qui vont suivre.

Mais lundi, à 8h, je ne sais pas comment je vais commencer ma journée. Je vais leur demander s’ils vont bien, s’ils ont envie de parler de quelque chose, s’ils ont besoin de parler. Je vais les écouter, essayer de leur répondre, honnêtement. Leur avouer que je n’ai pas de réponse. Que je ne sais pas pourquoi des jeunes gens se radicalisent et décident de se faire exploser ou de prendre les armes pour assassiner des inconnus. Les écouter. Et leur dire que je ne comprends pas. Que je suis touchée et triste.

Je vais certainement devoir utiliser le mot « guerre ». Je vais entendre les paroles de leurs parents à travers la bouche de mes petits élèves. Je vais certainement entendre des sous-entendus racistes alors même que dans la classe, dans le collège, de nombreux gamins sont musulmans ou d’origine maghrébine… je vais devoir parler d’amalgames, de racisme, de peur…

Je ne sais pas si je vais trouver les mots. Et si je ne les trouve pas? Et si je me mets à pleurer, encore?

Et après, est-ce vraiment important? Si je ne trouve pas les mots, si je bafouille, si je pleure, vont-ils m’en vouloir? Non.

Et si on ne parlait pas? Et si on écrivait et dessinait? Et si on faisait de longues minutes de silence?

Et si je leur disais juste que l’amour doit gagner? Que si on s’aime, on est fort. Que si on s’aime, la haine ne passe pas.

Et si…

Kiara twitter attentats parler aux élèves

Je m’excuse pour ce billet brouillon. C’est sorti comme ça se bousculait dans ma tête. J’ai vomi les mots comme je vomis ces actes barbares.

Attentats de Paris 13 novembre 2015

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